Souvenirs du FIFF 2012 (2)

J'ai eu récemment la drôle d'idée de m'infliger, sans que personne ne m'y force ni même me le suggère, le deuxième volet de Mission: Impossible. C'était un dimanche soir, et je me suis dit qu'après tout, John Woo, tout ça... Bref, le mal est fait, il ne me reste plus qu'à expier en commettant une bonne action, finir de rendre compte de la compétition internationale du festival de Fribourg, où les bonnes surprises ne se résumaient pas au magnifique film de Julia Murat que j'ai encensé il y a quelques semaines.

Je commence par le plus classique, plus attendu aussi mais parfaitement maîtrisé : Countdown, premier long-métrage du Coréen Huh Jong-Ho. On y croise Tae Geon-ho, recouvreur de créances avare de paroles et de sentiments et aux méthodes infaillibles - basées, il faut dire, sur l'utilisation experte et convaincante d'une matraque électrique -, qui apprend qu'il ne lui reste que quelques semaines à vivre, à moins de se trouver très vite un foie de rechange. Comme un foie ne se trouve pas chez le droguiste, il va devoir faire appel à une arnaqueuse notoire tout juste sortie de prison, qui n'a rien perdu de ses talents de menteuse-séductrice et doit compter avec la présence sur ses talons d'une bonne partie de la mafia de Séoul. S'ensuivent, à la faveur des intérêts radicalement contradictoires de l'essentiel des protagonistes, une dose conséquente de quiproquos, courses-poursuites et bagarres en tous genres, dans un style millimétré et avec un rythme qui ne se relâche jamais.

C'est tout? Non. En plus de savoir filmer, Huh Jong-Ho sait écrire et dévoile progressivement un passé refoulé qui remonte à la mémoire du personnage principal, au fur et à mesure que s'amenuisent ses chances de survie. Cet aspect du film lui donne un vraie profondeur, dépassant largement le niveau de... par exemple Mission: Impossible II (au hasard). Avec en plus quelques scènes hilarantes, oscillant entre humour noir et burlesque bien coréens, le résultat est bluffant. Manquerait plus que le film soit diffusé ailleurs qu'en Corée du Sud...

Même chose pour Honey Pupu, bijou indescriptible du Taïwanais Hung-i Chen. Le discours est un brin passéiste, le jeune réalisateur militant contre la destruction d'immeubles anciens à Taipei. Mais en réalité, le film s'attaque plus largement à la question de la disparition et de l'oubli - pas seulement des immeubles mais aussi des abeilles, des amours et des Game-Boy - et mobilise pour cela une forme et une écriture renversantes, quasi-impossibles à rendre en quelques mots mais bien illustrées par la bande-son, qui mêle musique classique européenne et pop-rock taïwanaise.

Je suppose qu'Asmaa, réalisé par Amro Salama, aura plus de chance de trouver le chemin des salles européennes, ne serait-ce que parce qu'il a empoché le prix du public à Fribourg. Il y est question d'une jeune veuve égyptienne, séropositive, que les médecins refusent d'opérer de la vésicule biliaire par peur de sa maladie. Par le biais d'une association, un présentateur télé charismatique lui propose de témoigner de sa situation. Tout l'enjeu du film va alors reposer sur la décision d'Asmaa d'accepter ou non de témoigner à visage découvert, cependant que le spectateur découvre par une série de flash-back la manière dont elle a été contaminée. Si le scénario fait parfois preuve d'un peu de complaisance, l'ensemble recèle une sacrée énergie qui emporte la conviction - la mienne en tout cas, et celle des spectateurs fribourgeois, ce qui n'est déjà pas si mal.

Des bonnes nouvelles ? Y en a : El Campo, film argentin dont je parle plus longuement ici, sort en France le 13 juin et en Suisse... bientôt sans doute ?! Son réalisateur, Hernan Belon, signe une bien jolie réflexion sur le couple et la maternité, aux accents fantastico-horrifiques réjouissants. Il ne concourt certes pas pour le prix de l'originalité formelle mais mérite sans aucun doute celui de la maîtrise. Et en prétendant n'avoir cherché à faire rien d'autre qu'un film sur la maternité et refusant toute étiquette susceptible de le rattacher à un genre, le réalisateur argentin donne en réalité une définition de ce qu'est l'horreur quand elle ne se réduit pas à un exercice de style où à une série B, suivant en cela les traces de quelques grands: Kubrick et Polanski viennent à l'esprit, tout comme Cronenberg dont Belon se réclame. Bref, à voir à toute vitesse, dans l'une des deux (?!?) salles parisiennes qui ont jugé bon le diffuser.

La bande-annonce d'El Campo, pour faire patienter les impatients (pas trouvé celle de Countdown avec sous-titres, je la mets pour les bilingues français-coréen qui, je n'en doute pas, sont nombreux à lire ce blog avec assiduité).




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